1 Juillet 2014
Fondé il y a quatre ans pour défendre l’orgue liturgique, l’orgue classique français, pour aider au recrutement de ses serviteurs, pour répandre sa riche littérature, la Société des Amis de l’Orgue (1) organise tous les ans, pour ses membres sociétaires, cinq auditions privées données avec le concours des organistes les plus réputés, et sur des instruments de choix. Cette Société a fondé un Prix annuel, dont la valeur est de 3 à 5.000 francs, et qui récompense, après concours, un jeune organiste, exécutant, improvisateur, ou compositeur. En outre, un Bulletin trimestriel, organe de liaison indispensable entre les membres qui habitent Paris et ceux qui sont en province, met les uns et les autres au courant de tout ce qui touche à la Vie de l’orgue en France.
A l’heure où l’orgue classique semble prendre une direction contraire à celle que la tradition lui faisait un devoir de suivre, à l’heure où notre orgue d’église émigre dans les cinémas, la croisade entreprise par les Amis de l’Orgue ne laissera pas indifférents tous ceux que l’instrument sacré élève « sur un plan supérieur de l’émotion artistique ».
Le deuxième concert de la saison a été donné le 3 février dernier par Adolphe Marty, sur le grand orgue de Saint François Xavier.
L’orgue, — un des plus beaux instruments de Paris, relevé et augmenté en 1923 par MM. Gonzalez et Ephrème, — l’organiste, un des plus réputés de la capitale et qui tient depuis quarante ans ces mêmes claviers, tout était réuni pour donner à cette soirée une haute tenue. Le nombre, le recueillement et l’attention soutenue des auditeurs ont montré combien sont appréciées ces réunions intimes, et combien salutaire est l’œuvre entreprise par les Amis de l’Orgue.
Au programme, bel ensemble de pièces choisies avec goût, parmi les plus caractéristiques de la littérature d’orgue. Nous ne pouvons ici les analyser en détail : si la Fugue en sol majeur de Bach se ressent encore beaucoup de l’influence de Buxtehude, le Choral Agnus Dei, si émouvant, avec son développement majestueux, est frappé à la marque du Cantor de Leipzig ; A. Marty en a bien su rendre la grandeur. Ancien élève de César Franck, c’est d’après les principes de son maître que l’organiste exécuta la charmante Fantaisie en eut majeur, dont le court intermède en fa mineur a mis en valeur la belle flûte et le hautbois de l’orgue. Exécutant remarquable, Marty est aussi un improvisateur-né : douze notes tirées au sort, regroupées, rythmées et modulées au gré de l’artiste, lui ont suffi pour composer, édifier un vaste monument sonore… point culminent de ce concert, et qui n’eut d’égal que la dernière partie, — écrite cette fois — du triptyque que l’auteur même nous faisait entendre en fin de concert.
Cette pièce, et les deux qui précédaient, venaient après une courte et spirituelle page du premier maître de A. Marty, l’organiste aveugle de Saint-Etienne-du-Mont, L. Lebel (†1888). Elles étaient tirées d’un poème symphonique inédit : le Mystère du Saint Rosaire. Compositeur fécond et ingénieux, A. Marty a dépeint ici quelques scènes de la vie du Christ, en se servant des thèmes de plain-chant tirés des offices qu’il a voulu illustrer ; l’ambiance est très heureusement créée, que ce soit à Bethléem (thème du Venite Adoremus), que ce soit sur le chemin du calvaire (thème du Filiæ Jerusalem), que ce soit à la fête de la Pentecôte (thème de l’Hodie Completi sunt).
Les amis de l’orgue se doivent de remercier ici M. A. Marty pour le très beau récital qu’il a bien voulu leur donner, et M. l’abbé Chevrot, pour son accueil si bienveillant.
Norbert Dufourcq
(1) Secrétariat général 12, rue du Pré-aux-Clercs (VIIe)
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