30 Juin 2014
Enfin, le 2 octobre, à Monaco, Mgr Perruchot, qui avait été à deux reprises maître de chapelle de Sant François Xavier, rendait à Dieu son âme lumineuse d’artiste et de chrétien. Le vendredi 10, une Messe solennelle de Requiem était célébrée dans notre église pour le repos de son âme. Notre maîtrise, sous la direction de M. Guiglaris, élève du défunt, avait tenu à exécuter, et le fit avec une émouvante piété, des œuvres du maître regretté. M. le Chanoine Renault, régulateur du Chapitre de Notre-Dame, célébra la Messe et donna l’absoute, assisté de M. l’abbé Merret, maître de chapelle de la Métropole, et de M. le maître de Chapelle de N.-D. de Versailles.
Dans l’assistance, quelques paroissiens, quelques disciples et amis du disparu.
Pour qui se rappelait qu’aux moindres offices nos nefs étaient trop petites, au temps que de toute la France on accourait à Saint-François-Xavier comme à un sanctuaire où l’on « priait sur de la beauté », le contraste entre les affluences de jadis et le petit nombre de ceux qui vinrent prier pour celui qui en fut l’animateur, aurait pu suggérer quelques considérations mélancoliques sur la rapidité avec laquelle l’oubli recouvre les gloires humaines. Mais la modestie de l’abbé Perruchot, qui ne ramenait jamais à sa personne l’admiration dont son art était l’objet, se fût, au contraire, trouvée plus à l’aise au milieu des fidèles amis de la musique religieuse qui conservent pieusement sa mémoire.
Le deuil ressenti tout particulièrement par la paroisse Saint-François-Xavier en la personne de Mgr Perruchot, qui rendit notre maîtrise justement célèbre, a été partagé par toute la France musicienne et catholique. C'est que le si digne et si vénéré prélat a joué un rôle dont on ne mettra jamais trop en relief l'importance dans l'œuvre immense qu'est la restauration de la musique sacrée.
Né le 7 octobre 1852 au Creusot, Mgr Louis-Lazare Perruchot, est mort le 3 octobre dernier, à Monaco dans sa 78e année. Il était vicaire général et maître de chapelle de la Cathédrale de Monaco, prélat du Pape et chanoine honoraire de Nice. C'est à l'église des Blancs-Manteaux, où il dirigeait la maîtrise, que s'affirma de vocation en ce qui concerne la musique religieuse. Il comprit à ce moment tout ce qu'il y avait à faire pour débarrasser cet art des routines et du mauvais goût qui l'avaient déformé, et le rendre conforme à ses antiques et saines traditions, dans l'esprit liturgique qui doit inspirer tout ce qui se fait dans le saint lieu. Il connut notre Charles Bordes, pionnier infatigable de cette réforme à Paris, et ne fut pas sans l'aider et l'encourager bien souvent, lorsqu'il fonda, pour donner une grande ampleur à la restauration nécessaire, les Chanteurs de Saint-Gervais, la célèbre phalange chorale, et la Schola Cantorum, école de musique religieuse au renom mondial. Passé à Saint-François-Xavier, M. l'abbé Perruchot fit de la maîtrise un groupe absolument parfait au point de vue de l'exécution ; et, sûr de son instrument, il sut intéresser le grand public à la musique palestrinienne, ce qui n'aurait jamais pu se faire autrement que par des exemples aussi convaincants. C'est ainsi que, de toutes parts, on vint à Saint-François écouter les messes et les motets de Josquin des Prés, de Palestrina, Vittoria, Roland de Lassus, Goudimel, Ingegneri, Nanini et tant d'autres, et on s'en retournait émerveillé de cet art qui paraissait si neuf, bien que quatre fois centenaire, et de ces sonorités si pures qu'elles semblaient descendre du ciel.
Cet effort, qui était le fruit de tant d'expérience et de patience, ne devait pas être perdu. Le répertoire magnifique ainsi exhumé fut, peu à peu, propagé par l'édition et par les auditions sans cesse multipliées ; et maintenant il a repris sa place dans toutes les églises où l'on a les moyens de chanter en chœur.
D'autre part, les musiciens contemporains, mieux instruits, se sont laissé guider par des sentiments plus en rapport avec la maison de Dieu et ont écrit de nouvelles œuvres, dont beaucoup peuvent figurer utilement à la suite de leurs ainés. Là encore, Mgr Perruchot a pris une part active : il est l'auteur de cinq messes, de motets et de cantiques fort nombreux, et d'une série de tous les offertoires des dimanches et fêtes de l'année, réalisés en polyphonie. Sa musique est toujours très pieuse, en même temps que très vocale : c'est à dire qu'elle est faite pour les hommes, et pour qu'ils s'adressent à Dieu ; elle fait prier.
Retiré depuis 1904 à Monaco, Mgr Perruchot n'avait pas cessé d'exercer son art, et il y avait formé aussi une maîtrise très justement réputée.
Homme d'une extrême affabilité, saint prêtre, artiste cultivé, cœur d'apôtre, Mgr Perruchot était profondément estimé de tous ceux qui s'adonnent à la musique religieuse. Son nom était comme un symbole, un signe de ralliement, et c'est en ce sens que l'Association Sainte-Cécile de France l'avait choisi comme président. Puisse son influence continuer à se faire sentir, et, la grâce de Dieu aidant, contribuer encore au triomphe de la belle cause à laquelle il a consacré tant de talent et d'amour.
Guy de Lioncourt,
Secrétaire générale de la Schola Cantorum