15 Avril 2017
Ci dessous un article de Monseigneur Chevrot (1879-1958), curé de la paroisse Saint-François Xavier de 1930 à 1958.
Beau témoignage de ce grand prédicateur qui enseignait à ses paroissiens la participation la participation au chant liturgique, d'abord en se réappropriant le chant grégorien.
Ce bulletin paroissial n°14 revêt un caractère quasi "testamentaire". En effet, le n°15 publie les éloges funèbres faisant suite à son décès le 4 février 1958.
Mais chers paroissiens, puisque nous ambitionnons de faire de notre paroisse une famille de chrétiens qui se connaissent, qui se parlent, qui s'aiment, pourquoi ne pas utiliser le moyen que nous offre la liturgie de l'Eglise, le chant ? Quand on a chanté « ensemble », la glace est rompue, L'amitié est créée.
Depuis le début de ce siècle les souverains pontifes nous exhortent à rétablir le chant des fidèles aux offices religieux. Ne voyez pas là une « mode nouvelle ». Ce sont les messes silencieuses qui constituaient une innovation en des temps ou la ferveur des chrétiens s'était refroidie. Il n'est pas vrai non plus que la messe chantée soit une messe inutilement allongée (oh ! que nous sommes ladres envers Dieu !) ; c'est la messe basse qui est une réduction de la messe normale ou les fidèles prennent visiblement une part active. La tradition véritable remonte à Saint Paul, qui encourageait les chrétiens à « chanter de tout leur cœur les psaumes, hymne et cantiques inspirés pour faire monter vers Dieu leurs actions de grâces ». (Ephésiens, V, 19-20.)
Indépendamment de la prière quotidienne silencieuse, qui permet à chacun de rencontrer le Père « dans le secret », les chrétiens ont à lui rendre un culte communautaire (d'où l'obligation de la messe dominicale). Or le chant n'est pas un agrément accessoire, une addition superflue aux prières de l'assemblée chrétienne, il est l'expression spontanée du culte collectif que l'Eglise doit rendre à son Seigneur.
– Votre chant, objectent quelques-uns, trouble notre recueillement.
– Remarquez que la liturgie de la messe ménage à votre prière personnelle plusieurs intervalles de silence; mais si vous êtes réunis autour de l'autel, c'est pour accomplir ensemble une action commune, comme membre du Corps, dont la tête est le Christ qui continue avec vous, par vous et en vous sa prière universelle. Vous êtes la « voix » de l'Eglise, en adressant ensemble à Dieu une louange unique, en lui présentant ensemble le sacrifice de son Fils, en demandant les uns pour les autres ce dont les membres de l'Eglise ont besoin.
La liturgie a prévu la participation des fidèles à cette prière communautaire par leurs réponses au célébrant et par des prières chantées. Beaucoup l'ont compris, qui acceptent maintenant de « dialoguer » avec le prêtre. Mais, outre que le dialogue (si l'on ne veut pas qu'il tourne au brouhaha) est d'une exécution plus difficile que le chant, il en est une transposition provisoire, un acheminement vers le retour à la tradition joyeuse de la prière chantée.
Faites cette expérience. Lisez le Credo à voix basse : votre pensée s'applique aux vérités qui y sont résumées. Récitez-le, seul mais à haute voix, en le déclamant légèrement : vous ne vous contentez plus de penser, vous sentez ce que vous dites. Chantez-le à l'église, avec toute l'assemblée : vous vous en faites aussitôt un acte de foi, chargé d'action de grâces. En effet, le chant et naturellement le moyen d'accentuer nos sentiments en les extériorisant. Une émotion forte se manifeste par des exclamations, qui sont une forme rudimentaire du chant. Le bonheur ou la détresse, la crainte ou l'espérance nous arrache des cris différents, et l'homme, s'il veut les expliciter, recourt à la poésie et à la musique. Aussi l'Eglise n'a-t-elle pas voulu nous priver de donner libre cours à notre foi, ni de puiser dans le chant en commun un élément de notre piété.
Mais que chanter ? On assiste présentement à une émulation de bonnes volontés pour renouveler le répertoire des cantiques en français. Sauf de très rares réussites, qui s'apparentent d'ailleurs à nos chants d'autrefois, il faut convenir qu'on n’a pas encore trouvé de formules valables : c'est déjà beaucoup de les chercher. En revanche aucune question ne se pose au sujet du chant collectif en latin, de celui du moins qui est réservé à la foule. Les chants de l'ordinaire de la messe existent ; la mélodie n'en est ni banale ni recherchée, elle est à la portée de tous. Encore faut-il qu'ils soient exécutés correctement, de manière à atteindre un parfait unisson. Quelques leçons y suffisent. La dévouée directrice de notre Schola veut bien se mettre à la disposition des paroissiens désireux de s'initier aux éléments du plain-chant. À leur intention elle fera une répétition spéciale, le mercredi 29 janvier, à 20 h. 45, dans la chapelle de catéchisme. Je l'en remercie et je souhaite que vous soyez nombreux à venir profiter de ses conseils.
Une église qui ne chante pas ressemble à une réunion de convalescents absorbés dans leur lecture. Une église qui chante est une assemblée de chrétiens, contents de Dieu et heureux de manifester leur foi dans une atmosphère de charité.
Votre Curé
G. Chevrot