Les fidèles appelés à être les "premiers chanteurs" de leur paroisse. (Cardinal Dubois, 1922)

Ce texte, tient lieu de préface dans le Manuel de la Schola et des Fidèles par l'Abbé F. Brun

Il s'inscrit dans la suite du Motu Proprio de Saint Pie X et appelle l'assemblée des fidèles à assurer "sa partie" dans le chant sacré, notamment par un réapprentissage du plain-chant grégorien, sans pour autant négliger l’importance du répertoire polyphonique.

Manuel de la Schola et des Fidèles par l'Abbé F. Brun

Manuel de la Schola et des Fidèles par l'Abbé F. Brun

Lettre – préface 
de son éminence le cardinal Dubois 
sur le chant des fidèles à l’Église.

Lettre – préface
de son éminence le cardinal Dubois
sur le chant des fidèles à l’Église.

Paris, le 23 septembre 1922.

Monsieur l’abbé,

Je voudrais inscrire, en tête de votre Manuel de la Schola et des Fidèles, autre chose qu’une approbation officielle ; autre chose encore que des félicitations sincères : car vous avez bien travaillé pour mettre à la portée de tous la pratique du plain-chant grégorien et certaines mélodies musicales d’inspiration vraiment religieuse.

Je crois opportun d’insister, une fois de plus, sur la nécessité et la beauté du chant des fidèles à l’église. Trop rares sont aujourd’hui les paroisses où l’assistance prend une part active aux chants liturgiques ; le plus souvent elles y demeurent muettes. Et pourtant la Messe – qui est un drame sacré – et les autres cérémonies religieuses n’ont leur pleine signification et leur complète efficacité que si le chœur des fidèles y participe.

L’ordonnance de la liturgie réclame cette participation. Les textes sacrés de la prière publique ne constituent pas un monologue réservé au seul célébrant. Ils supposent une alternance des voix dans la communauté des mêmes sentiments religieux ; et ces sentiments ne trouvent leur expression parfaite que si le peuple tout entier proclame, comme il doit les éprouver – unanimement.

Ainsi en était-il jadis. L’histoire du chant liturgique en fournit au cours des siècles de multiples témoignages. Il faut faire revivre ces usages anciens. La Schola ou Maîtrise, le chœur des chantres n’en seront pas sacrifiés. Ils demeureront indispensables pour l’alternance avec les fidèles ; il leur incombera d’assurer la bonne exécution des pièces ornées, généralement peu accessibles à la foule. Celle-ci aura sa part des chants communs de la Messe, des psaumes, des hymnes, des répons.

Et nos offices y gagneront en beauté.

Rien n’est plus majestueux, plus profondément expressif qu’un large unisson. Les polyphonies les plus riches, les couleurs du plus grand orchestre ne peuvent toucher l’âme, la charmer, la remuer jusqu’en ses profondeurs religieuses, comme fait une grande ligne mélodique tracée par un chœur de voix multiples. Quel morceau de musique peut atteindre à la majesté d’un Credo ou d’un Te Deum chantés par une foule croyante et enthousiaste ! C’est que dans les œuvres humaines, comme chez les hommes, la vraie grandeur est simple.

Or l’Église, avec un sens du beau qui n’a jamais été infirmé par les chefs-d’œuvre des plus grands génies modernes, a précisément adopté pour sa liturgie un chant qui se prête merveilleusement aux unissons – le chant grégorien. « Rendu à sa pureté première, il apparait, dit Pie X, doux, suave, facile à apprendre. Il a une beauté si nouvelle et si inattendue, que là où il a été introduit, il a excité promptement un véritable enthousiasme chez les jeunes chanteurs. » Ce chant ne saurait donc que plaire à la foule. Il faut l’y exercer et lui en faire goûter les beautés. Education facile et d’ailleurs éminemment profitable à l’esprit chrétien et au bien des âmes.

Il n’était pas dans les intentions du Pape qui, dès le début de son pontificat, restaurait la musique sacrée, de restreindre au seul chant grégorien le répertoire de nos églises. Toute musique, pourvu qu’elle soit respectueuse des textes sacrés, pieuse et priante, y a droit d’entrée. Mais elle y sera d’autant moins considérée comme étrangère qu’elle s’apparentera davantage aux mélodies liturgiques et respectera la place qui revient de droit au chant grégorien – la première. Mais qu’on ne l’oublie pas, ce qu’il importe de réaliser, en même temps que l’adoption des mélodies grégoriennes, c’est, dans les limites tracées par l’ordonnance des offices, le chant des fidèles à l’église.

J’appelle de tous mes vœux ce renouveau de l’âge d’or liturgique où le peuple chrétien fera, comme autrefois, « sa partie » dans les chants d’église et où les fidèles tiendront à l’honneur d’être les premiers chanteurs de leur paroisse.

Veillez agréer, Monsieur l’Abbé, l’assurance de mes sentiments dévoués en N.S.

† Louis, Cardinal DUBOIS, Archevêque de Paris.

Louis-Ernest Dubois

Louis-Ernest Dubois

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